Après la dernière conversation, nous nous sommes faits
hurler dessus par un prof qui nous a renvoyé, ni une ni deux, en cours. C'est
vrai qu'on n'avait pas entendu la sonnerie. Vegetalis et moi avions un cours en
commun, mais je n'ai pas pu poursuivre la discussion, de peur qu'on nous
entendent, alors j'ai prêté une oreille attentive au professeur...
Enfin, je l'aurais fait si je n'étais pas un élève normal.
Voilà donc quelques indications sur le fonctionnement de l'école.
Nous sommes assis côte à côte au milieu de la salle.
Vegetalis, assise bien droit sur sa chaise, note scrupuleusement ce que dicte
le prof. Moi, par contre, un coude sur la table, la tête sur ma paume, je
somnole un peu, et recopie le cours sur le cahier de ma camarade. Après une
énième soupir, je lui demande, tout bas ;
"Ça nous rapporte quoi tout ça ?"
Elle me lance un regard en coin, et écrit en plein milieu de
sa leçon ;
"Tu parles de quoi ?
_Des cours, je répond en pointant le prof avec mon
stylo."
Elle sourit et me répond, toujours sur son cahier ;
"Ça nous rapporte un diplôme quand même !"
Je soupire.
"Et des connaissances auxquelles on aurait pas accès
autrement, tu l'as dit toi-même, ajoute-t-elle."
Je la vois faire un plan avec les noms de quelques cursus et
des flèches pointant d'autres cursus dont je n'avais pas entendu parler. En
dessous elle m'indique :
"Ici, on apprend une "classe", nous recevons
notre diplôme qui fait de nous des membres
de ces classes. après avoir exercé un certain moment, on peut passer un
concours auprès des anciens, ou des guildes, qui nous donnent un titre plus
évolué.
_Et on pourra faire passer ces examens aux plus jeunes à
notre tour ? je demande."
Elle hoche la tête négativement, puis, je lis ;
"Pour ça, il faut passer devant Bahamut, le roi des
dragons, il peut nous donner les mêmes titres que les guildes ou les anciens,
mais aussi d'autres pouvoirs. Ne me demande pas, ajoute-t-elle en réponse à mon
regard intrigué, je n'en sais pas plus, ceux qui passent devant Bahamut sont
très rares, et ne s'en vantent pas.
Enfin, actuellement, nous sommes des apprentis, on se
reconnait grâce à l'uniforme de l'école et au pendentif sphérique qu'on est
obligé de porter en cours et en mission. Après avoir eu le diplôme, on a le
droit de porter l'uniforme de l'école et un pendentif représentant notre
classe, souvent une fleur, ou l'uniforme de notre classe, qui lui est
obligatoire sur le champ de bataille. Après avoir changé de classe, on reçoit
un nouvel uniforme, toujours obligatoire en pleine guerre. Par contre, ceux qui
sont passés devant Bahamut portent ce qu'ils veulent."
Je relis plusieurs fois pour mieux comprendre, pendant
qu'elle poursuit l'écriture de la leçon.
"Ah OK, mais c'est cool en fait ! On dirait un jeu
vidéo ! je dis, jovial."
Elle me lance un regard désespéré tandis que le prof se met
à hurler :
"CESSEZ DE PARLER !! SERIEZ-VOUS SCHIZOPHRÈNE ? Vous
discutez tout seul depuis vingt minutes !! Et puisque vous prenez ça pour un
jeu, sortez et allez au bureau du boss final : LE DIRECTEUR !!!"
Je dois avoir blêmit, j'en suis presque sûr. Après tout
c'est la première fois que je me fais engueuler tout seul. Enfin, j'ai ramassé
mes affaires en quatrième vitesse et suis sorti de la salle. C'est en sortant que
je me suis rappelé que le directeur c'était un des Esprit.
Je n'ai pas attendu longtemps devant son bureau. Il m'a fait
entrer, m'a demandé pourquoi je venais. Je lui ai dit que je n'écoutais pas en
cours et que le prof m'avait envoyé là.
"Oui, bien entendu, on ne peut pas s'intéresser à tous
les cours, mais si je devais être dérangé pour chaque élève qui dort, discute,
ou fait des bêtises, je ne pourrais plus m'occuper des milliers de gens dans
les autres univers, tu ne penses pas ?"
Il semble me dire ça avec un sourire, mais c'est dur à
décrire, les Esprits, quand on les voit, semblent être là tout en étant pas là,
peut-être comme un mirage. Il semble porter un manteau à capuche, qui lui
couvre le visage, mais plus j'essaie de me rappeler, moins je me souviens,
comme si le souvenir me glissait entre les doigts. Je me souviens surtout de la
sensation de trouble, comme si le voir était dérangeant, comme si je n'aurais jamais dû être témoin de sa présence. Et puis, surtout, l'impression de
reconnaître cette voix. Plus j'y pense et moins j'arrive à rester concentré.
Quelle migraine.
Enfin, je lui répond ;
"Euh, ouais, sûrement.
_Aurais-tu un doute ?
me demande-t-il.
_Non, enfin, je veux dire, je peux pas savoir, je suis pas à
votre place."
Il y a quelques secondes de flottement durant lesquelles il
semble me jauger.
"La prochaine fois que tu es exclu de cours, me dit-il,
vas plutôt profiter du réfectoire, de la bibliothèque, des différents hall, ou
des jardins, sans trop t'approcher des grilles toutefois.
_On n'a pas le droit d'aller au jardin.
_Pourtant, il y a toujours des élèves là-bas. Il semble que
certains interdits soient faits pour apprécier encore plus le moment où l'on
passe outre."
Sur le moment je me demande si il veut me dire qu'il sait,
sans trop en avoir l'air, de quoi nous parlions tout à l'heure.
"D'accord, j'y penserais, je répond.
_Bien."
Je sors pendant qu'il s'occupe d'autre chose, et avant que
je ne ferme la porte il me dit, sans me regarder ;
"Au fait, pourrais-tu prévenir les autres que Yuka est
partie ?
_Oui, bien sûr !"
Et j'ajoute pendant qu'il fait un mouvement pour que la
porte se ferme ;
"Où ça ?
_A la guerre."
Et la porte claque...
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